Communiqué de presse Pasde0deconduite du 10 juin 2013 - Plan autisme du gouvernement
Communiqué de presse Pasde0deconduite du 10 juin 2013
Plan autisme du gouvernement
Accueil, éducation, accompagnement, soins, ouverture au monde :
les enfants ont besoin d’aide sur tous les plans
Le collectif Pasde0deconduite est solidaire du mouvement qui s’engage pour le retrait du 3ème plan autisme, dans ses préconisations actuelles.
Chacun reconnaît qu’en France un retard a été pris, le manque de structures, signalé par les parents et les professionnels depuis 20 ans, est actuellement criant : bien trop d’enfants atteints de troubles autistiques sont laissés sans prise en charge, ou bien avec une prise en charge très insuffisante, et bien trop tardive. Tant de familles vivent le désarroi immense de voir leur enfant privé de l’aide et du soin que son état nécessite. Au fil des gouvernements successifs, la France n’a pas su développer les services nécessaires, ni généraliser les travaux initiés par quelques pionniers en faveur de ces enfants, pour favoriser leur accueil, leur éducation, leur socialisation et pour prodiguer les soins que leur état appelle, alors qu’ils auguraient d’une amélioration possible de leur prise en charge, de leur vie et du soutien de leurs familles…
L’injustice d’une telle situation en appelait donc à un sursaut. Pourquoi le 3ème plan autisme du gouvernement nous apparaît-il alors comme une réponse consternante face à cette situation ?
Le collectif Pasde0deconduite s’est constitué en réponse aux préconisations de l’expertise Inserm de 2005 sur le « trouble des conduites ». Cette expertise rapportait les difficultés de comportement des jeunes enfants à leurs dimensions essentiellement génétique et biologique et traçait une linéarité entre l’agitation d’un tout petit et un avenir délinquant. Elle donnait alors lieu à l’immixtion du pouvoir politique sur le terrain scientifique et clinique avec l’injonction aux professionnels de dépister les bébés « futurs délinquants » dès la crèche. La même immixtion du pouvoir politique s’est manifestée sur des questions pédagogiques, cliniques et scientifiques concernant les enfants présentant des difficultés persistantes d’apprentissage.
Dans le plan autisme, nous observons que des dérives analogues risquent de se reproduire :
Le développement de tout enfant, même le plus profondément troublé, comporte des dimensions affectives, cognitives, sensorielles, sociales, culturelles, intriquées. Aujourd’hui, l’immense majorité des acteurs impliqués auprès des enfants autistes le savent par leur expérience et dans leur pratique quotidienne : ils prônent une complémentarité des approches notamment éducatives, pédagogiques, thérapeutiques, corporelles et artistiques.
Comment comprendre dès lors la focalisation quasi-exclusive du 3ème plan autisme sur le développement de méthodes d’éducation comportementale dont les bénéfices sont actuellement remis en question outre-atlantique et dans le monde anglo-saxon1 ?
Comment comprendre qu’on puisse priver les enfants atteints de troubles autistiques, si graves, invalidants et difficiles à traiter, d’un large panel d’approches ?
Et que dire de l’absence de choix pour les parents de recourir à une prise en charge uni ou multimodale, alors qu’ils sont bien plus divers dans leur demande que ne le laissent croire certaines organisations s’arrogeant un monopole de représentation auto-proclamée ?2
Le gouvernement cherche appui sur les recommandations de la HAS sur l’autisme. La revue Prescrire vient pourtant de souligner qu’elles relèvent d’un « faux consensus » et qu’elles reposent sur un choix « non ou mal étayé »3.
Refuser aux enfants atteints d’autisme une prise en charge multidisciplinaire, souple et variée, adaptée et modulable selon chaque situation particulière, reviendrait à considérer que ces enfants particulièrement vulnérables ne pourraient pas bénéficier de la considération que la société accorde à tout enfant en lui garantissant de solides conditions d’accueil, avec accès à l’éducation, à la culture et aux soins... C’est risquer de nier leur appartenance à notre humanité commune, et le crédit fait à leur propre capacité à trouver leur chemin singulier.
Le 3ème plan autisme révèle un parti pris et prend dans ce cadre l’allure d’un forçage réglementaire au lieu de se porter garant pour les enfants autistes de la multiplicité des approches que leur diversité et leur pathologie complexe requièrent.
Par la voix de Madame Carlotti, le gouvernement reproduit l’erreur du gouvernement précédent, en s’immisçant dans la controverse scientifique et en prétendant la trancher par des oukases politiques, administratifs, financiers, bien peu respectueux des pratiques professionnelles de nombre d’acteurs engagés. En indiquant qu’« il est temps de laisser la place à d’autres méthodes pour une raison simple : ce sont celles qui marchent… » et que « n’auront les moyens pour agir que les établissements qui travailleront dans le sens où nous leur demanderons de travailler », la ministre se fourvoie : au lieu de s’en tenir à la définition de grands cadres d’orientations, elle entend imposer aux professionnels spécialistes de leur domaine des pratiques, des techniques et des méthodes dont la pertinence et l’analyse relèvent des champs professionnels, cliniques, éducatifs et scientifiques. Elle prend caution d’« experts » choisis dans quelques-uns des champs de compétence concernés par une question complexe, au détriment d’approches plus larges et diversifiées qui permettent pourtant le dialogue et l’articulation de l’ensemble des disciplines et la mise en lien des chercheurs et des praticiens de terrain. Cela aura pour effet un rétrécissement qui privera les enfants de la palette d’aide et de soins qui permettraient des choix avisés et appropriés.
Un tel positionnement du gouvernement est également inacceptable, en ce qu’il rappelle des dérives passées, si peu démocratiques, d’une parole d’État sur la Science.
Le 3ème plan autisme constitue également une véritable menace pour le service public, notamment celui, pourtant déployé en principe sur l’ensemble du territoire national, de l’organisation des services publics de pédopsychiatrie, dont les missions et les pratiques sont, à dessein, caricaturées.
Verra-t-on les moyens déjà bien insuffisants octroyés pour l’autisme au secteur médicosocial, à l’éducation nationale, aux structures de pédopsychiatrie, détournés vers le financement de programmes éducatifs de nature marchande ?
Ceci dans un contexte où l’effort financier, supplémentaire, de 20 millions d’euros consenti par le plan sur cinq ans revient à accorder moins de 10 € de plus par enfant et par an…
Le collectif Pasde0deconduite se joint à toutes les voix qui demandent aujourd’hui le retrait du 3ème plan autisme, dans ses préconisations actuelles. Il appelle les pouvoirs publics à rouvrir d’urgence ce chantier, en associant l’ensemble des acteurs et à adopter un plan autisme inscrit dans le champ de la santé et digne de ce nom : c’est-à-dire doté de principes de travail à la fois ouverts et rigoureux, et de moyens financiers suffisants pour prendre en charge l’ensemble des enfants touchés par l’autisme, et leur offrir la palette la plus diversifiée des aides nécessaires qui soutiennent leurs progrès, qui les engagent sur les chemins de la relation aux autres et de la socialisation et qui soulagent leur souffrance et celle de leur famille.
contact@pasde0deconduite.org
http://www.pasde0deconduite.org/IMG/pdf/communique_presse_pasde0deconduite_10juin2013-2.pdf
1 Rejetée par la Cour Suprême du Canada, la méthode ABA est de plus en plus critiquée en Amérique du Nord.
Cf. également les déclarations du Professeur Laurent Mottron, psychiatre et chercheur en neurosciences cognitives résidant au Québec, directeur scientifique du Centre d’excellence en troubles envahissants du développement de l’Université de Montréal : http://www.lemonde.fr/sante/article/2012/03/15/autisme-une-mise-en-garde-contre-la-methode-aba1669458 1651302.html
Cf. encore : Spreckley, M. ; Boyd R. (2009) « Efficacity of applied behavioral intervention in preschool children with autism … a systematic review and meta analysis », Journal of Pediatrics 154, 3, pp. 338-344,
http://www.jpeds.com/article/S0022-3476(08)00777-4/abstract
2 Lire à ce sujet la lettre ouverte de Mireille Battut, présidente de « La main à l’oreille », à Madame Carlotti :
http://lamainaloreille.wordpress.com/
3 Revue Prescrire. Autisme chez les enfants et les adolescents : un faux consensus. Tome 33 N°357 avril 2013, p.305