Formation initiale des orthophonistes
Voici, ci-dessous et en pièce jointe, la lettre ouverte rédigée par la Fédération des Orthophonistes de France alertant sur les conditions de la réingénérie des études d’orthophonie.
À Madame Geneviève Darrieussecq, Ministre de la Santé et de l’Accès aux soins
À Monsieur Patrick Hetzel, Ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche
À Madame Claire Gentil, présidente du Collège des Centres de Formation en Orthophonie
À Madame Camille Vanelstlande, présidente de la Fédération Nationale des Étudiants en Orthophonie
OBJET : Lettre ouverte de la Fédération des Orthophonistes de France
QUE SE PASSE-T-IL POUR LA FORMATION INITIALE DES ORTHOPHONISTES ?
L’orthophonie est aujourd’hui incontournable dans le maillage des professionnels du soin autour des patients et la demande est de plus en plus forte.
Devenir orthophoniste nécessite depuis une dizaine d’années (2013) l’obtention d’un master. L’idée d’un retour d’expérience et d’une rénovation de la maquette semblait tout à fait pertinente quand nous avons été consultés en janvier 2024. En effet, la formation initiale en orthophonie doit rester certes ambitieuse, mais aussi respectueuse des étudiants, des enseignants, et en accord avec les exigences universitaires et professionnelles (alliant théorie et pratique en stage).
Malheureusement, les professionnels de terrain ont été très rapidement écartés de la réflexion et en sont aujourd’hui exclus.
QUE SE PASSE-T-IL ?
• Est-ce légitime de construire une réflexion sur une formation professionnelle sans les professionnels de terrain ?
• Est-ce pertinent de travailler sur les enseignements d’une formation sans les enseignants qui ont l’expertise et l’expérience de plus de 10 années pour certains ?
• Est-ce sérieux de travailler à une formation nationale sans certains CFUO ?
• Est-ce normal que les étudiants en cours de cursus ne soient pas associés à leur juste place, leur parole mise à bonne distance permettant de mettre en perspective leur expérience avec celle de leurs aînés (enseignants/ tuteurs/maîtres de stage) ?
• Est-ce réaliste que cette réforme structurelle du point de vue des contenus et de l’approche didactique se fasse loin des principaux intéressés alors qu’elle vise une plus grande adéquation entre la théorie et la pratique ?
• A-t-on donné les moyens financiers et humains au Collège des Centres de Formation Universitaire en Orthophonie (CCFUO) pour qu’il fasse son travail ?
QUE SE PASSE-T-IL ?
Alors que l’on manque d’orthophonistes, en libéral et encore plus en salariat, la fin des études fait fuir nos jeunes collègues écrasés par 5 années d’empilement de connaissances et achevés ensuite en début de carrière par les injonctions de soins et de bonnes pratiques.
SI NOUS AVIONS EU LA PAROLE, NOUS AURIONS DIT :
La formation initiale ne prépare pas suffisamment les étudiants à affronter la réalité de leur métier, la diversité des lieux de soin et la diversité des patients. Elle ne les aide pas suffisamment à construire leur posture d’orthophoniste clinicien, leur posture d’orthophoniste soignant capable de s’adapter à chacun de ses patients. En effet, être orthophoniste ne se résume heureusement pas à faire passer des tests et à appliquer des protocoles standardisés, être orthophoniste, c’est-à-dire professionnel de soin spécialisé dans le langage et la communication, c’est utiliser tout son savoir et toute sa créativité pour s’ajuster au mieux et en permanence à chaque patient et à sa demande… et cela s’apprend.
Pour ce faire, il nous semble essentiel de faire valoir le pluralisme et l’ouverture d’esprit dans la formation initiale des orthophonistes : dans la formation théorique comme dans les lieux de stage (respectant un juste équilibre entre exercice salarié et libéral).
Il nous semble primordial d’encourager les futurs collègues à être curieux, à se nourrir des approches plurielles, à écouter et accepter les approches diversifiées voire opposées, de leur apprendre à se frayer un chemin personnel à travers leurs pensées, pour créer des liens théorico-cliniques entre les différents contenus scientifiques d’enseignement et les pratiques diverses observées au sein de leurs stage/ auprès de leurs maîtres de stage.
Nous souhaitons que le futur professionnel soit formé à accueillir, appréhender, écouter, ressentir parfois, pour comprendre : autant de compétences socles qui lui permettront de soigner les patients dans leur diversité de pathologie, de langage, de culture du soin, de culture, d’origine sociale.
Nous souhaitons que l’on prenne soin des futurs professionnels en ne les assommant pas de notions théoriques et en leur donnant le temps : le temps d’apprendre leur métier et de construire les bases de leur future identité professionnelle en partant de là où ils en sont, le temps d’observer par une écoute active, de se questionner, de faire évoluer leurs représentations, de penser, de lire, d’écrire, de réfléchir, de comprendre… pour pouvoir prendre soin à leur tour.
Nous défendons la place primordiale du stage pratique comme un espace de mise en sens, de découverte clinique et d’apprentissage à part entière du métier, espace qui doit demeurer un lieu tranquille et sécure pour donner aux orthophonistes en devenir l’envie de s’engager dans la profession sereinement et d’y rester. Certains stages se doivent de durer longtemps (une journée par semaine pendant un semestre minimum) pour que les étudiants mesurent la réalité des rythmes (du professionnel, du patient, de l’évolution des troubles…). De plus, le cursus manque cruellement de reprises de stages, essentielles pour que les étudiants cheminent à partir de leurs questionnements et puissent construire des liens avec les différents champs théorico-cliniques enseignés et observés sur le terrain.
Nous refusons la pression exercée sur nos collègues (et transmises de facto aux étudiants) concernant d’une part les démarches administratives de plus en plus lourdes et chronophages et d’autre part, l’injonction de temps et d’efficacité des soins utopiquement dictés par un programme de rééducation rigide et prépensé. Elle nuit à la fois à la qualité du soin, voire à la guérison du patient mais également à la confiance du professionnel en ses compétences et sa créativité pour accompagner ses patients.
ALORS QU’EST-IL EN TRAIN DE SE PASSER POUR LA FORMATION INITIALE DES ORTHOPHONISTES ?
et le Conseil d’Administration
de la Fédération des Orthophonistes de France